Tu n'es pas belle. Non, tu n'as rien de tout ça. On dit de toi que tu es mignonne, adorable, mais pas belle. Tu voiles ton regard argenté sous ton rimmel sombre et morose, tes lèvres carmin murmurent des poésies à l'eau de rose. Tes cheveux couleur neige volent au grès du vent. Tu es belle de loin, adorable quand tu dors, jolie dans le noir, ravissante sous la pluie. Ta peau est aussi douce que le velours, aussi froide que la porcelaine, aussi fragile que le cristal. Pourquoi t'obsèdes-tu. Pourquoi essaies-tu de te rendre belle, alors que tu n'es pas. Jamais tu ne seras resplendissante. Tu nages tel un cygne dans un lac limpide et sans couleurs. Tu brilles tel un diamant, cependant tu n'as aucune valeur. Malgré tout tu persistes. Tu persistes à croire que dans ce monde, quelqu'un t'acceptera telle que tu es. Pourquoi croire au destin ? Pourquoi continuer de rêver ? Petit cygne blanc. Tu es trop fragile. Trop douce. Trop docile. Tu es le trop, l'imparfait, l'anastasie. Qui aurait pu penser qu'une fille tel que toi serait comme ça. Tu caches tes sentiments, tu te voiles la face. Montre toi, cygne noir. Montre le côté sombre qu'il y a en toi. Cette face profanée et cachée à l'intérieur de ton âme.

Tu as peur, n'est-ce pas. Tu as peur du monde, peur de ton ombre, peur du monstre qui sommeil dans tes yeux. Cries. Pleures. Hurles ton mal-être au monde qui t'entoure. Montres ce qui se cache dans tes yeux. Apaises tes souffrances. Tu le sais. Jamais tu ne seras comme les autres enfants. Tu as cet animal, dans ton coeur. Tu sens des plumes se frotter contre ta peau. Pourquoi le vois-tu ? Comment le sens-tu ? Ce cygne, qui n'a fait que te créer des ennuis. Quand tu dis que tu le sens, que tu le vois, les gens te prennent pour une folle. Cela fait quatre ans que tu le sens. Tu perds des plumes fréquemment. Tu sens qu'elles poussent sous ta peau. Tu souffres. Mais depuis qu'il est ici, tu vis et tu respires. Il n'est peut-être pas si méchant, après tout. Peut-être veut-il te protéger des inconnus. Au fond de toi tu ne sais pas, et tu ne sauras sûrement jamais.

▬ « Pourquoi tu brises ses rêves ? Ce n'est pas parce que tu as brisé les tiens qu'elle doit suivre la même voie que toi. »
▬ « Tu prend sa défense, en plus ? Tu la protège alors que ce n'est pas ta fille ? »
▬ « Je la considère comme tel. Dans ce cas là, pourquoi alors as-tu décidé d'adopter ta soeur lors de la mort de tes parents, plutôt que de la confier à une famille d'accueil, explique toi. Tu es jalouse d'elle, car elle a des ambitions et de l'avenir. »

Tu écoutais chaque palabre de leurs propos. C'était de ta faute, tout ça. Depuis la mort de tes parents, c'était ta soeur aîné qui t'avais recueillie. Tu pouvais ressentir la haine dans sa voix, dans son regard. La jalousie. Ce sentiment la dévorait petit à petit. Elle avait d'ailleurs refusé que tu prennes son nom de famille depuis qu'elle était mariée à Kei, son mari. Lui qui était si content, quand tu es arrivée dans la famille. Il voyait un avenir heureux, il te considérait comme sa propre fille. Tu étais pour lui son trésor, sa petite fille. Le parfait opposé de sa femme, Iris. Rien qu'à ces pensées tu te flagellais. Elle ne t'aime pas. Elle te déteste. Toi qui n'as pourtant rien fait de mal. Doucement tu t'endormais, les larmes aux bords des yeux. Les paupières closes, tu rêvais d'un monde meilleur. Chaque matin, quand tu te réveillais, tu marchais d'un pas peu sûr de toi, la boule au ventre, tétanisée par la peur. Croiser Iris un si bon matin, non, jamais. Et en plus, tu devais te préparer pour la danse classique. Autant le dire, tu détestais ça. C'était la passion de ta soeur, pas la tienne.